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Antisémitisme luttes et récupérations

Dimanche dernier, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel de la présidente de l’Assemblée Nationale et du président du Sénat à manifester « pour la République, contre l’antisémitisme » dans plusieurs grandes villes de France. Cette mobilisation se veut une réaction au constat alarmant de la hausse des actes à caractère antisémite en France depuis le 7 octobre.

NOUS DEVONS DÉCHIFFRER CETTE MANIFESTATION DANS LE CONTEXTE DANS LEQUEL ELLE A EU LIEU.

D’abord, celui international, d’une opération militaire menée par l’armée d’occupation israélienne sur la Bande de Gaza ayant pour but d’en finir avec la résistance – et donc la population – palestinienne.

Ensuite, celui national, de répression et de criminalisation de la solidarité envers le peuple palestinien, de banalisation et légitimisation des discours islamophobes et xénophobes d’exclusion des forces de gauche institutionelles d’un « arc de républicain » et de sa reconstitution autour d’une droite de plus en plus autoritaire et d’une extrême droite banalisée: et enfin l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par une classe politico-médiatique à des fins islamophobes.

L’EXTRÊME DROITE ÉTAIT PRÉSENTE DANS CES MANIFESTATIONS, ET CE BIEN QU’ELLE REPRÉSENTE UNE TRADITION POLITIQUE ANTISÉMITE. QUE PENSER DE LA PRÉSENCE D’ÉLUS RN À UNE MARCHE CONTRE L’ANTISÉMITISME ?

Ce parti a été fondé par des anciens de la Waffen-SS, de l’OAS, par des néofascistes et collaborationnistes notoires. Des dizaines membres avérés du RN/FN ont été condamnés pour des faits allant de l’incitation à la haine raciale jusqu’à des meurtres et assassinats avec motif raciste, en passant par des profanations de cimetières juifs, sans même compter le triste palmarès de Jean-Marie Le Pen… Malgré sa campagne de dédiabolisation, le RN/FN, par ses liens avec divers groupuscules (Action Française, Égalité & Réconciliation, Zouaves, GUD, Génération Identitaire…) reste partie intégrante d’une nébuleuse nationaliste française qui reste idéologiquement très marquée par le fascisme, et continue à rêver à la résurrection d’une communauté nationale fantasmée dont les Juif.ve.s sont exclu.e.s.

Que penser maintenant de la présence d’élu.e.s Reconquête, le parti du polémiste Zemmour, qualifié par le grand rabbin de France d’antisémite et de raciste ? Bien que plus récente, cette formation politique, qui souhaite réhabiliter Pétain, s’intègre parfaitement dans la nébuleuse nationaliste évoquée plus haut, et entretient – officiellement ou officieusement – des liens avec beaucoup des groupes cités. À Nice, Philippe Vardon, chef de file des Identitaires et « ancien » skinhead néo-nazi, élu Reconquête, était présent à la marche. À Marseille, c’est Stéphane Ravier, ancien du RN passé chez Reconquête, qui a cru bon de s’inviter à cette marche. Mal lui en prit, puisqu’il s’est laissé signifier qu’il n’était pas le bienvenu en se faisant recouvrir de cendres.

La place que prend aujourd’hui l’extrême-droite dans des mobilisations contre l’antisémitisme, c’est aussi la place que la gauche lui laisse, en ayant échoué jusqu’alors à s’opposer efficacement à toutes les formes de racisme – antisémitisme compris.

L’antisémitisme, compris comme l’ensemble des discriminations visant les personnes juives en raison de leur judéité (ethnique, culturelle ou religieuse), est une forme de racisme qui a sa propre histoire dans le contexte français moderne, mais qui a un ancrage beaucoup plus ancien en Europe

Dans l’imaginaire collectif dominant, l’antisémitisme est largement associé au nazisme et à la Seconde Guerre Mondiale; en parallèle, la lutte contre l’antisémitisme est associée à la Résistance. Ce prisme est déterminant dans l’appréhension de l’antisémitisme, notamment par la gauche française. Revendiquer l’héritage de la Résistance a permis à la gauche de se concevoir comme une force politique immunisée contre le racisme, indépendamment du contexte dans lequel elle évolue: un contexte raciste et colonial.

LA GUERRE EN COURS EN PALESTINE/ISRAËL N’EST PAS UN CONFLIT BILATÉRAL ENTRE DEUX PUISSANCES POLITIQUEMENT, ÉCONOMIQUEMENT ET MILITAREMENT ÉGALES.

C’est une guerre coloniale, entre un État créé de toute pièce par les puissances impérialistes occidentales dans une zone déjà fortement déstabilisé depuis plusieurs siècles par ces mêmes puissances, et un mouvement de libération nationale de l’autre côté. L’État d’Israël est un État répressif, à un stade extrêmement avancé de militarisation, un État dans lequel les droits des citoyen.ne.s arabes ne sont pas égaux à ceux des citoyen.ne.s Juif.ve.s. Enfin, Israël se conçoit comme un État ethnique non pas selon le prisme de « l’État des Juifs » mais bien au sens traditionnel – comprendre Européen – du terme: un État blanc. Comment interpréter autrement, en plus du nettoyage ethnique en cours à Gaza, les politiques de stérilisation visant la minorité juive éthiopienne?

Face à tout cela, des Juif.ve.s du monde entier se mobilisent, depuis des décennies, et contestent Netanyahu et son gouvernement fasciste. En France, des collectifs comme l’Union Juive Française pour la Paix ou Tsedek! appellent à la décolonisation de la Palestine, aux États-Unis Jewish Voice for Peace ont organisé des manifestations historiques pour exiger un cessez-le-feu. Au sein même de l’État israélien, le sionisme est contesté par des Juif.ve.s qui demandent l’égalité et la liberté pour tout les peuples; ils et elles sont indifféremment victimes d’une féroce répression.

L’engagement des Juif.ve.s décoloniaux et/ou antiracistes est d’autant plus nécessaire qu’il vient contredire la propagande sioniste associant l’ensemble des Juif.ve.s à Israël et voulant les rendre complices de la colonisation en Palestine et des crimes de guerre de l’armée israélienne.

Comment expliquer qu’il aura fallu attendre l’appel des forces réactionnaires pour qu’une marche contre l’antismétisme puisse exister alors que les actes antisémites ne cessent d’augmenter ?

La gauche s’est totalement désengagée du sujet, ne l’abordant que très ponctuellement et le considérant comme aquis. Comme démontré, ce n’est pas le cas : l’antisémitisme est un sujet à part entière, qui survient dans des contextes bien particuliers et qui se doit d’être affronté de face. Ces manquements auront permis à l’ensemble de la droite, majorité comprise, de s’emparer du thème lui permettant à la fois de se donner une primauté morale illégitime et de consolider ses politiques impérialistes et islamophobes.

LA LUTTE CONTRE L’ANTISÉMITISIME EST UNE LUTTE ANTIFASCISTE !

 

publié le 18 novembre